La question de l’identité est bien présente en logothérapie .
Les notions de mêmeté et d’ipséité de Ricoeur et Heidegger peuvent être très utiles pour mieux en appréhender la complexité , entre continuité et singularité.
La mêmeté est ce qui fait que la personne est semblable à elle-même : son caractère, même s'il peut changer ; elle est aussi ce qui la caractérise dans sa vie, par exemple exercer une profession et être accaparé par celle-ci (la personne s'identifie à cette profession), être bon père de famille et s'identifier comme tel , s'adonner à un sport et s'identifier par rapport à lui.
L'ipséité est la promesse , les intentions que la personne formule, suivies d'actions ;
elles émanent du soi (elles écoutent la parole, les intentions qui émergent) ; l'ipséité est le variable de la personne, ses autres manières d'être au monde, ses centres d'intérêt autres que ceux qui la caractérisent de manière permanente .
Certaines personnes restent enfermées dans leur mêmeté, jusqu'au jour où l'ipséité se donne à être vécue ; c'est là que surviennent les crises quelles qu'elles soient (professionnelle, familiale etc.) ; c'est l'ipséité (le vivant) qui demande à être libéré et à se vivre.
La personne, en logothérapie vient demander à sortir de cet enfermement de la mêmeté et veut découvrir ses autres manières d'être au monde : d'autres manières de vivre son altérité, d'autres missions, s'engager dans un art, etc.
Il est toujours possible de connaître l'identité de la personne en utilisant différentes méthodes telles que par exemple découvrir son bouquet d'intelligences, son ou ses positionnements dans l'ennéagramme ou d'autres questionnements qui permettent de la définir socialement ou culturellement ; autrement dit de définir son idiosyncrasie (culturelle, familiale, professionnelle, sociale, loisirs). Ces éléments relatent la mêmeté de la personne.
Découvrir son ipséité , c'est élaborer les prémices d'une autre manière d'être au monde plus singulière, plus autonome, c'est à dire dégagée des injonctions sociétales, familiales, des stéréotypes sur lesquels la personne s'appuie. Qu'émane-t-il des activités, jeux préférés pendant l'enfance, c'est à dire avant la socialisation ; cette narration permet de distinguer plus nettement les mouvements de l'âme qui nous animait à cette époque et éventuellement de les actualiser ou de les relier au présent. Il est possible également d'effectuer un exercice d'écoute intérieure, d'écoute en profondeur pour laisser venir ses intentions profondes, les accomplissements réalisables, les promesses non encore actualisées dans sa vie. Cette écoute intérieure permet d'être en contact avec cette ipséité , le soi : comment se manifeste-t-elle ? Chacun peut écrire sur un tableau ou s'aider de photos, d'images pour mieux cerner son panorama de vie future consacrée à ce qui a du sens maintenant, en projetant également les valeurs sur lesquelles s'appuyer pour mieux se définir soi-même.
A partir de cette introspection, il est possible d'en réaliser une narration, un récit qui devient ainsi une mise à jour , une actualisation de son être essentiel.
Christian Merle
En complément voici l'histoire du faiseur de pluie.
Cette histoire est issue d’un fait réel. Carl Gustav Jung avait demandé à ses élèves de commencer toutes leurs conférences par celle-ci. Richard Wilhelm, dont il est question, est un ami de Jung, sinologue.
« Il y eut une grande sécheresse dans la ville où Richard Wilhelm séjournait ; pendant des mois, il ne tomba pas une goutte de pluie et la situation devint catastrophique. Les catholiques firent des processions, les protestants firent des prières, et les chinois brûlèrent des bâtons d’encens et tirèrent des coups de fusil pour effrayer les démons de la sécheresse. Finalement, les chinois se dirent : « Allons chercher le faiseur de pluie », et celui-ci vint de l’une des provinces.
C’était un vieil homme émacié. Il dit que la seule chose qu’il souhaitait était qu’on mette à disposition une petite maison tranquille, et il s’y enferma pendant 3 jours. Le quatrième jour, des nuages s’amoncelèrent, et il se produisit une forte chute de neige, à une époque de l’année où aucune neige n’était prévisible, et en quantité inhabituelle. Tant de rumeurs circulèrent au sujet de cet extraordinaire faiseur de pluie que Wilhelm alla voir l’homme, et lui demanda comment il avait fait. En vrai européen, il dit : «Ils vous appellent le faiseur de pluie, pouvez-vous me dire comment vous avez produit de la neige ? Le petit chinois répondit : je n’ai pas fait la neige, je n’en suis pas responsable.»
« – Mais qu’avez-vous fait durant les trois jours ? »
« – Oh, cela, je puis vous l’expliquer. C’est simple. Je viens d’un pays où les choses sont ce qu’elles doivent être. Ici les choses ne sont pas dans l’ordre ; elles ne sont pas comme elles devraient être d’après l’ordre céleste, aussi le pays tout entier est-il hors du Tao. Je n’étais pas non plus dans l’ordre naturel des choses, parce que j’étais dans un pays qui n’était pas dans l’ordre. Aussi la seule chose que j’avais à faire était d’attendre trois jours jusqu’à ce que je me retrouve en Tao, et alors, naturellement, le Tao fit la neige. »
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