L'espérance est consubstantielle à la nature humaine, elle peut être ressentie en chacun lorsque nous sommes confrontés à d'autres fondamentaux de l'existence tels que le manque, la souffrance, la finitude et la solitude. Ils font corps avec l'espérance qui peut être abandonnée dans la boite de Pandore de notre inconscient ou mise au conscient pour la nommer et devenir ainsi constitutive de notre capacité à la transcendance.
L'espérance est-elle cette énergie, cette force vitale dirigée vers l'accomplissement , l'épanouissement de l'être humain dans ses rapports à lui-même, aux autres et au monde ; elle contribue à l'entéléchie, la recherche de la perfection sans perfectionnisme.
Dans son livre, Corinne Pelluchon « l'espérance ou la traversée de l'impossible (ed.Payot et Rivages,Paris, 2023) » montre que la possibilité d'un effondrement de notre civilisation est paradoxalement l'occasion d'un changement ouvrant un horizon d'espérance. Cela suppose de comprendre que l'espérance n'a rien à voir avec l'optimisme qui masque la gravité de la situation et qu'elle se distingue aussi de l'espoir qui exprime le souhait de voir ses désirs personnels se réaliser... L'espérance est la traversée de l'impossible, elle est la capacité à déchiffrer dans le réel les signes d'un progrès possible et à transmettre l'énergie nécessaire à sa réalisation. » (4ème de couverture).
L'espérance nous oblige, en situation de crise à redéfinir profondément nos valeurs afin de formuler ce à quoi nous tenons.
Dans son livre « présence de l'espoir » (ed.Seuil, Paris, 2013) Catherine Chalier
« Espérer, c'est s'avancer vers une réalité encore invisible, une réalité qui jamais ne s'ajuste aux représentations qu'on s'en donne. Est-ce là une passion condamnable, comme l'estiment certains philosophes, soucieux de faire prévaloir une compréhension raisonnée de ce qui est sur les aléas de l'imagination ? Ou bien peut-on penser qu'il existe un lien profond et énigmatique entre le soi humain et l'espoir ? Comment comprendre en effet que, même dans des situations terribles, l'espoir déserte rarement tout à fait le cœur humain ? Pourquoi cette insistance de l'espoir à surprendre jusqu'aux partisans d'une lucidité qui le récuse ?Qu'il soit fondé sur le rêve ou sur l'action qui ouvrent des possibilités là où la nécessité semble devoir faire loi, que la raison lui donne un sens, ou encore qu'il dépende, comme dans la Bible, d'une promesse qui oriente l'histoire, l'espoir est toujours à l'épreuve dans nos vies privées et collectives. Espérer suppose en effet un combat spirituel contre la tentation du désespoir face au tragique et l'exercice d'une grande et quotidienne patience pour " réparer " les souffrances du monde, comme l'enseigne la mystique juive. Mais espérer l'inespéré ne se mesure pas à nos seuls efforts, c'est aussi, ultimement, garder confiance en la Promesse : de la chute ultime nous serons relevés. ».
Voici la dernière phrase du livre « Être sans destin » d'Imre Kertész (acte sud 1998) qui raconte le vécu d'un adolescent dans un camp de concentration : « Puisque là bas aussi, parmi les cheminées, dans les intervalles de la souffrance, il y avait quelque chose qui ressemblait au bonheur. Tout le monde me pose des questions à propos des vicissitudes, des « horreurs » : pourtant, en ce qui me concerne, c'est peut-être ce sentiment-là qui me restera le plus mémorable. ». Cette phrase très interrogative n'est-elle pas le reflet d'un sentiment porté par l'espérance ?
Dans les camps, Viktor Frankl par son attitude donnait aux autres des raisons d'espérer en posant simplement cette question : « qu'est-ce que la vie attend de vous ». En posant cette question il y a mise en mouvement de la personne pour redécouvrir un sens à son existence. Espérer, c'est redynamiser son existence.
Il est possible de contacter l'espérance en nous-même : en établissant ce contact par un exercice de résonance intérieure, il est possible de sentir, d'éprouver comment elle se manifeste en nous , ce qu'elle a à nous dire ou comment elle se visualise. En approfondissant cet exercice, nous pouvons clarifier, rendre lucides les liens que nous entretenons avec l'espérance.
Christian Merle